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Carnets de voyage

À cheval sur la ligne du temps

Un mariage traditionnel au sanctuaire Meiji
Un mariage traditionnel au sanctuaire Meiji
Photo : Robin Renaud

21 mai 2009

Julie chouinard,étudiante au doctorat en sciences des radiations et imagerie biomédicale, mention génie biotechnologique et Robin Renaud, rédacteur en chef du Journal UdeS

Récemment, Julie Chouinard, doctorante en génie et en médecine, et Robin Renaud, rédacteur en chef du Journal UdeS, se sont rendus au Japon pour des voyages en parallèle. Dans ce carnet de voyage à relais, les deux auteurs enchaînent quelques-unes de leurs expériences.

Le Japon se déploie en millions de facettes fascinantes. Mais s'il faut trouver une trame commune à la découverte de ce pays, c'est le contraste omniprésent entre une modernité exacerbée et une tradition profondément enracinée.

Bienvenue au 22e siècle

Je me trompe dans mes calculs, me direz-vous, mais c'est pourtant l'impression que nous avons parfois en arrivant au pays du soleil levant. Un bond de quelques années en avant là où la technologie est bien implantée. L'effet est encore plus marquant à Odaiba, l'île artificielle face à Tokyo. Un monorail sans conducteur vous y conduira et vous pourrez y admirer les bâtiments aux allures futuristes; un plaisir pour les amateurs d'architecture. La vue sur la capitale nippone y est splendide la nuit tombée. – Julie

Ma première ballade à Tokyo donne l'impression d'entreprendre un voyage dans le futur, dans un monde de science-fiction. Aux pieds de gratte-ciels excentriques passe un train ultrarapide Shinkansen – dont le museau rappelle un avion supersonique. En fond de scène, quelques bretelles d'autoroute surélevées. En dessous, un carrefour piétonnier où se croisent des centaines de personnes sous le clignotement incessant de dizaines d'écrans géants et de panneaux lumineux multicolores. Je m'attends presque à voir Goldorak surgir du paysage. – Robin

L'édifice Fuji TV – dont l'observatoire est constitué d'une sphère recouverte de titane, sur l'île artificielle d'Odaiba.
L'édifice Fuji TV – dont l'observatoire est constitué d'une sphère recouverte de titane, sur l'île artificielle d'Odaiba.
Photo : Robin Renaud

Avec un tel portrait, on se doute que Tokyo est la ville rêvée des amateurs de technologie. J'ai particulièrement apprécié la visite des magasins Apple Store et Sony Building où les fabricants vous présentent leurs toutes dernières nouveautés. À quand les écrans Bravia chez nous qui se mettent en veille quand vous vous endormez sur le divan ou que vous quittez la pièce pour sortir le repas du four?

Mais au-delà des inventions et des gadgets, les toilettes japonaises sauront surprendre le touriste nord-américain. Je les classe en trois types. Il y a d'abord les toilettes à la turque, parfois légèrement surélevées, mais souvent à même le sol. La première visite vous fait réfléchir à l'endroit où se trouve le devant et peut constituer une bonne prise de conscience de vos talents d'équilibriste. La seconde est ce que l'on retrouve au Québec à la différence d'un petit ajout qui rendrait jaloux les parents d'ici. En effet il y a pratiquement toujours des cabines équipées de porte-bébé, ce qui libère les bras et permet de garder les yeux sur l'enfant.

La troisième elle, vient du futur! À quelques endroits, vous trouverez des toilettes high tech où l'on vous offre des bruits de chute d'eau pour couvrir vos sons embarrassants. Ensuite vous pouvez appuyer sur les boutons pour un service de bidet ou de séchage. Option grand ou petit jet à votre guise. Les petits dessins sur certains modèles aident beaucoup les «analphabètes» que nous sommes. Pour tirer la chasse, trouvez l'œil magique dans la cabine et passez la main dessus. Certains modèles sont équipés d'un robinet sur le dessus de la toilette où l'eau qui tombe sert d'abord à vous laver les mains, et ensuite à remplir la cuve. Écologique, n'est-ce pas? – Julie

Un passé toujours vivant

Dans les rues du village de Hida, le public a l'occasion d'admirer des yatais, ces chars finement décorés par les sculpteurs de la région.
Dans les rues du village de Hida, le public a l'occasion d'admirer des yatais, ces chars finement décorés par les sculpteurs de la région.
Photo : Julie Chouinard

Étrangement, autant Tokyo déploie et assume sa modernité, autant les Japonais vivent pleinement leur culture et perpétuent leurs traditions. Quelques pas suffisent pour que le temps recule de quelques siècles. Je quitte aisément le tumulte des rues commerçantes et m'engouffre dans un vaste parc de verdure. Le gazouillis des oiseaux masque le bruit des voitures. Tout au fond, un sanctuaire me ramène au temps des shoguns. Dans cette oasis de verdure, je croise deux vieilles dames en kimono. J'y observe surtout des femmes et des hommes en tenue de ville. Certains rangent leurs cellulaires et s'adonnent quelques instants plus tard à des dévotions bien senties. Ils se purifient les mains à la fontaine qui trône devant l'entrée du temple. Une fois à l'intérieur, ils font offrande en jetant une pièce de monnaie dans un coffre de bois. Suit un bref claquement des mains, puis les mains jointes et les yeux clos, ils méditent une courte prière.

Un dimanche, lors d'une promenade au sanctuaire Meiji, j'ai la chance d'épier quelques mariages traditionnels, où les femmes revêtent des kimonos magnifiques et les hommes, de longues tenues traditionnelles. Les processions bien rythmées donnent à ces cérémonies un caractère très solennel. – Robin

À Kyoto, la tradition se déploie avec une belle authenticité. Je me suis promenée dans le quartier de Gion où j'ai pu apercevoir dans les ruelles sans voiture des maikos (apprenties geishas) faisant glisser la porte d'une maison de thé pour se faufiler rapidement dans une autre. J'y ai vu des serveurs de restaurant, portant eux aussi un habit plus traditionnel, faire résonner leurs getas (sandales de bois) en courant sur le sol. J'ai également suivi un défilé pour célébrer la venue du printemps dans la ville de Takayama. Tous les participants portaient des habits traditionnels et des dragons entraient dans les commerces pour en chasser les mauvais esprits. Flûtes et tambours contribuaient à ramener l'ambiance d'un autre temps. Douze yatais – chars géants finement décorés dont certains âgés de quelques centaines d'années – étaient exposés dans les rues pour l'occasion et sont les dignes représentants du talent des sculpteurs de la région. – Julie

De l'ambiance à coup sûr

New York? Paris? Non, il s'agit bien de Tokyo, vue de l'île d'Odaiba.
New York? Paris? Non, il s'agit bien de Tokyo, vue de l'île d'Odaiba.
Photo : Julie Chouinard

En 1983, l'ancienne vedette des Expos, Warren Cromartie, signait un contrat pour évoluer avec les Giants de Tokyo. J'avais 10 ans et je tombais des nues en découvrant que le baseball était le sport le plus populaire au Japon. Vingt-six ans plus tard, muni de mon billet acheté sur Internet, je me faufile dans le Tokyo Dome au milieu d'une marée humaine. Je trouve ma place dans ce stade à côté d'un voisin qui mange tranquillement ses sushi avec des baguettes. Plus loin, une vendeuse distribue du thé vert froid. Trop vêtu et encastré entre les épaules de mes deux voisins de siège, je suis déjà en sueur. J'ai encore quelques minutes pour me procurer un chandail de l'équipe locale. De retour à ma place, je réalise que le stade compte deux clans bien divisés : 30 000 fans des Yomiuri Giants à gauche du marbre, et 30 000 fans des Hanshin Tigers à droite. 30 000 moins un. Ce détail crucial m'avait échappé. Je suis probablement le seul porte-couleurs de ma section vêtu du mauvais chandail… Qu'à cela ne tienne, j'ai droit à un vrai bon match de baseball avec plein de rebondissements. Dans cette foule hystérique et très démonstrative, je sens bien que mes voisins ont relevé l'incongruité de mon accoutrement. Mais la légendaire politesse japonaise me permet de m'en tirer pour une bonne rigolade – chez mes voisins surtout. – Robin